« Je voudrais œuvrer pour tous les Egyptiens »
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Sa Béatitude Ibrahim Isaac Sidrak doit être intronisée ce matin en Égypte. Il s’inquiète de la mise en place d’un régime théocratique islamique. |
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Dans un quartier copte à Balansora. « En tant que citoyen, j’espère que tous les Égyptiens parviendront à travailler ensemble », explique le patriarche.
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Nous reproduisons ci-après, avec son autorisation, un article du
journal La Croix paru le mardi 12 mars
2013 (page 8, rubrique Monde).
Béatitude, vous devenez
à 57 ans le chef de l’Église
copte-catholique, à l’heure
où les Frères musulmans
sont au pouvoir en Égypte.
Les chrétiens sont inquiets…
Ibrahim Isaac Sidrak : Cela ne
concerne pas que les chrétiens. Le
Synode des évêques a examiné l’inquiétude,
voire la peur, que cette
époque confuse suscite dans le
pays. Les Égyptiens s’interrogent
sur leur avenir. Notre première mission
est de les rassurer, de réconcilier.
Votre premier acte a été de signer les statuts du conseil des Églises,
qui permettra aux cinq communautés chrétiennes d’Égypte d’exprimer
une position commune
sur le dialogue et la coexistence
avec les non-chrétiens…
I. S. : Cet événement religieux
est le résultat de longues années de
travail et de prière. Je suis venu
moissonner. Je suis content de travailler
avec le pape de l’Église
copte-orthodoxe Tawadros II, un
homme très ouvert, très disponible,
qui souhaite un dialogue avec les
différentes Églises. Il a accéléré la
création de ce Conseil.
« Dieu ne nous a pas
placés en Égypte
par hasard.
nous avons une
mission à accomplir. »
cette union solennelle a été
précédée par une décision
commune des Églises de rejeter
divers articles de la constitution
rédigée par un comité
d’islamistes…
I. S. : Les Frères musulmans et
le gouvernement s’occupent de leurs
propres intérêts. Ils ont choisi les
personnes susceptibles de les servir.
Plusieurs membres de la commission
constituante se sont retirés
après avoir compris qu’ils servaient
d’alibi. L’Église aurait dû le faire plus
tôt.
La question de la charia a-t-elle
été le problème principal ?
I. S. : Nous n’avons jamais eu de
problème avec la charia, qui demeure,
selon l’article 2 de la Constitution,
« la source principale de la
législation », et non pas la « source
unique » comme on le redoutait.
Mais l’interprétation de cet article 2
à travers le nouvel article 219, qui
donne une interprétation rigoriste
de la doctrine sunnite, a causé des
problèmes. Les Église s’y sont aussitôt
opposées.
Cette constitution pose-t-elle
les bases d’un califat ?
I. S. : Le califat ne renaîtra jamais.
Mais cette Constitution pose les
bases d’un régime théocratique
islamique.
L’opposition refuse
tout dialogue avec le président
morsi avant l’amendement
de la constitution et la formation
d’un gouvernement d’union
nationale. Qu’en pensez-vous ?
I. S. : En tant que citoyen, j’espère
que tous les Égyptiens parviendront
à travailler ensembles. Mais les
Frères musulmans veulent gouverner
seuls. Qu’ils oeuvrent donc pour
le bien du pays.
Si la constitution n’est pas
amendée, beaucoup de chrétiens
risquent d’émigrer…
I. S. : Je suis contre l’émigration,
mais je manque parfois d’arguments
pour convaincre. Il y a les jeunes
qui ne trouvent pas de travail, les
familles qui redoutent l’insécurité…
Je veux seulement dire que Dieu ne
nous a pas placés en Égypte par
hasard. Nous avons une mission à
accomplir.
Comment pratiquez-vous le
dialogue intercommunautaire ?
I. S. : Nous accueillons de jeunes
musulmans dans nos écoles. Ils
vivent avec les chrétiens, étudient
avec eux, jouent avec eux. Les parents
font connaissance et parfois
des liens d’amitié se nouent. Nous
sommes tous des Égyptiens, nous
appartenons à un même tissu social.
À minya, dont vous étiez
jusqu’à présent l’évêque,
vous avez donné les preuves
de votre dynamisme, de votre
engagement envers les projets
sociaux, envers les défavorisés…
allez-vous appliquer le même
style en tant que patriarche
d’une Église d’environ
250 000 fidèles ?
I. S. : Je voudrais oeuvrer pour
tous les Égyptiens. L’Église catholique
est au service du monde.
recueilli par Denise Ammoun
pour le journal La Croix